Vous avez dit libertin(e) ?

« Des filles comme toi et moi, il y a en beaucoup » affirma la petite blonde, avec ses grands yeux bleus.

La petite blonde c’est une amie de longue date que nous sollicitons régulièrement pour garder notre fille et aller nous encanailler et à qui j’avais fini par avouer notre vie libertine, mal à l’aise de devoir mentir constamment sur l’objet de nos sorties. Ce jour là, nous étions toutes les deux, en mode confidences entre copines, avant de rejoindre l’apéro libertin auquel je l’avais conviée.

Je la savais libérée sexuellement (c’est pour cela que je m’étais sentie disposée à lui révéler ma vie libertine). Et suite à ma révélation plusieurs années auparavant, elle s’était montrée curieuse de découvrir le monde libertin. Les apéros libertins, que j’avais inauguré le mois précédent, me semblaient appropriés pour avoir un 1er contact, soft et sans obligation aucune, avec le monde du libertinage.

Libertine ou libérée ?

Pour rebondir sur les paroles de la petite blonde, elle voulait dire par là que nous étions similaires car autant à l’aise sexuellement l’une que l’autre. Elle avait raison, pour partie.

De façon surprenante, autant je pouvais dire qu’elle et moi partagions en effet une approche décomplexée de la sexualité (en parler librement, s’exprimer sans rougir sur des sujets liés au sexe, ne pas être fermée aux nouvelles expériences), autant je me sentais malgré tout et fondamentalement différente d’elle. Libérée ne veut pas dire libertine.

« Comment vous faites pour embrasser un inconnu ? Moi j’ai besoin de connaître et d’apprécier la personne. C’est super intime d’embrasser. » me demanda la petite blonde.

Je n’allais comprendre que bien après la soirée la portée de ces questions, qui interrogeaient ma définition d’un(e) libertin(e). Sur le moment, elles me mettaient dans une posture de “représentante” qui se doit de porter un étendard au nom de tous les libertin(e)s. Or je n’ai pas cette prétention. Parce qu’il n’y a pas de généralité ni de règle immuable. Certains embrassent, d’autres non. Certains n’embrassaient pas et finissent par s’en accommoder. Certains ont toujours embrassé. Chaque libertin(e) a ses propres motivations et/ou barrières et elles peuvent évoluer.

Au delà de ça, je pouvais deviner derrière sa question (qu’elle posa d’ailleurs à plusieurs autres personnes au cours de l’apéro qui suivit) un schéma pré-conçu sur ce que devrait être une interaction homme/femme “normale”. Et ce n’était pas mon rôle de la convaincre de changer d’échelle de référence. Cela devrait être de son fait et venir d’une prise de conscience personnelle.

Libertiner avec quelles motivations ?

« Je te connais, poursuivit la petite blonde, il faut que tu fasses attention, tu as besoin d’être aimée. Et dans le libertinage, tu cherches à être aimée ».

Sur le moment, je n’ai pas su vraiment comment réagir face à cette affirmation / mise en garde sortie de nulle part. Cela ne partait certes pas d’une mauvaise intention de la part de la petite blonde (même si, l’expérience m’a démontré plus d’une fois, qu’une phrase commençant par “Tu devrais / Il faut”, traduit systématiquement un jugement de valeur). Mais il y avait un décalage certain entre ce qu’elle imaginait être mes motivations (et j’irais même jusqu’à dire ce qu’elle projetait de sa propre expérience) et la réalité de ce que je pouvais vivre et ressentir dans les moments libertins (profiter du plaisir, entre adultes consentants, dans l’instant présent sans y mettre davantage d’enjeux).

Je n’ai pas pour habitude de devoir expliquer pourquoi je libertine. Cela me semble couler de source et ce n’est pas vraiment le sujet, dans le feu de l’action. Mais surtout je n’aime pas devoir me justifier (c’est bien pour cela que je suis partisante du “Pour vivre heureux, baisons cachés“).

Dans ma tête résonnait l’idée que la petite blonde ne me connaissait finalement pas tant que ça d’une part, et qu’elle n’était pas prête, d’autre part. Parce que le cheminement et le recul qui sont les miens me font penser que les choses sont plus nuancées qu’une approche romantique « être aimée » ou une approche crue « être baisée ». Et parce qu’à mon sens, dans une expérience libertine, les véritables enjeux ne sont pas là où on les imagine.

Être libertin(e), ça veut dire quoi au final ?

Deux réflexions ne m’ont pas quitté après cette soirée et ce fut d’ailleurs l’objet d’échanges animés avec mon homme.

La première touchait à la notion d’intimité. Il était évident que la petite blonde et moi n’avions pas la même perception de cette notion. De mon point de vue, aller au bout de l’exploration de pratiques sexuelles hors norme implique d’être ouvert et d’expérimenter, sans que cela ne réponde à un enjeu autre que le plaisir. Je distingue intimité charnelle et intimité relationnelle. Ce qui n’enlève rien au fait que, pour entrer en interaction sexuelle avec quelqu’un, il faut de l’envie et de la confiance. Et cela n’empêche pas non plus de nouer des sentiments affectifs sincères et solides avec des compagnons et compagnes de jeux. L’intimité relationnelle n’étant pas, de mon point de vue, indispensable pour apprécier l’intimité charnelle.

La seconde réflexion tournait autour de la question de la liberté. Non pas la liberté des corps et des pratiques sexuelles. La liberté de penser, de se projeter, d’appréhender le sexe : Etre capable de déconstruire une vision intériosée (et inconsciemment figée) du sexe, des rapports homme/femme et définir sa propre vision, sa normalité, son échelle de référence. Etre en phase avec soi même et s’épanouir dans son espace de liberté, de lâcher prise et sur son terrain de jeu, quels que soient les schémas existants et les dictats. Et poser un regard sans projection et sans jugement sur les préférences, les pratiques et la vision des autres.

J’ai longtemps cherché à savoir qu’est ce qui définissait un(e libertin(e) et à partir de quel moment, on pouvait légitimement se sentir libertin(e). Ma réponse (et c’est bien la mienne) me semble claire aujourd’hui : Être libertin(e) ça n’est pas pousser les portes d’un club libertin, avoir des pratiques sexuelles originales ou respecter les codes d’un monde fermé et secret. C’est porter une vision de la sexualité non formatée, libre et libérée qui s’enrichit des expériences, des rencontres et des prises de conscience. Et reconnaître cette liberté aux autres.

2 thoughts on “Vous avez dit libertin(e) ?

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