La parole à Pierre Lechat

Né quelque part autour de l’année 69, année érotique, Pierre Lechat, présent sur twitter sous le pseudo @PierreLechat2, est un libertin et auteur qui partage ses expériences et décrypte le monde libertin.

C’est le libertin que j’ai découvert en 1er, en soirée parisienne et au Cap (et avec qui j’ai joyeusement coquiné), avant de découvrir l’auteur, qui compte deux ouvrages à son actif : “Les mille et une nuits d’un libertin” et “Les Très Riches Heures d’un libertin : Caractères, mœurs & histoires échangistes“.

Il a accepté de se prêter au jeu de l’interview.

Bonjour cher Pierre, et merci pour avoir accepté cette interview. Quelque chose me dit que tu vas avoir plein de choses à me raconter [Clin d’œil].

Je suis prêt à tout te dire et à tout lâcher…

A quel moment tu t’es senti véritablement libertin ?

J’ai commencé relativement jeune, initié par des femmes sensiblement plus âgées que moi. C’est à 17 ans que j’ai eu ma première expérience libertine, quand cette femme, presque trentenaire, est venue nous chercher, mes trois copains et moi, dans la salle de jeux du village, pour nous ramener chez elle. Ce fut par la suite une dame (beaucoup) plus âgée qui m’initia à la soumission.

Arrivé à Paris, il y a eu ensuite cette petite amie délurée et expérimentée, pleine d’imagination et bisexuelle qui organisa un plan à trois avec une de ses copines. Et aussi cet ami plus âgé, avec qui nous partagions nos petites amies, quand elles étaient d’accord bien sûr.

Mais je voyais tout cela plutôt comme de la sexualité de groupe, de la partouze et du SM, rien de plus. Le sentiment libertin n’est venu que progressivement.

Tu as commencé fort dis donc [rires]. Comment as-tu évolué ensuite en couple ?

Lorsque nous nous sommes rencontrés mon épouse et moi, j’étais déjà là-dedans, elle pas du tout. J’ai joué cartes sur table immédiatement, au risque de tout casser. Il était hors de question de démarrer sur un mensonge. Dans les grandes lignes, je lui ai dit que je lui laisserai le temps d’y venir, mais que cela faisait partie de moi et qu’il n’était pas question pour moi de vivre deux sexualités parallèles, l’une avec elle, l’autre en dehors. Ce qui impliquait pour elle d’y venir, si elle voulait construire une relation dans le temps.

Peu de temps après, lors d’un mariage, une occasion s’est présentée, avec une cousine du marié, mais cela ne s’est hélas pas fait. Nous avons eu les enfants, qui petits étaient très prenants pour nous deux, et après la naissance de la dernière et son entrée à l’école, nous nous y sommes mis.

J’étais assez confiant, vu l’intérêt qu’elle manifestait face à des pornos assez hard présentant doubles-pénétrations et gang bangs… La première soirée en club, entre couples, était soft, trop. La deuxième soirée, trio HHF, a marqué le lancement avec un gang bang qui s’est spontanément déroulé.

Waouh, tu as réalisé LE fantasme ultime : amener sa femme novice au libertinage. Selon toi, comment convaincre sa moitié d’ouvrir sa sexualité. C’est une question que se posent beaucoup d’hommes.

Ah, grande question. En fait, il ne s’agit pas de “convaincre” : si la dame a cela en elle, elle y viendra, il faut juste s’y prendre habilement et ne rien brusquer. Si elle n’a pas cette potentialité, rien n’y fera, elle n’y viendra jamais.

Dans ce cas, certains y renoncent aussi pour eux-mêmes, tandis que d’autres s’y mettent seuls en cachette ou avec un accord tacite. J’en connais, je les plains et leur moitié aussi, mais me garderai bien de condamner (au nom de quoi le ferais-je ?). Dans tous les cas, il faut se parler, parler de ses désirs et s’enquérir de ceux de l’autre.

Pour en arriver aux partouzes, à l’échangisme ou à la sexualité de groupe, soit la partenaire est assez décontractée et à l’aise et il est possible d’en parler à froid, soit il est préférable d’attendre de se trouver dans un moment intime particulièrement chaud pour lui demander ce qu’elle penserait d’une autre belle queue ou d’une belle chatte dans sa bouche tandis qu’elle se fait baiser.

Sa réaction à ce moment indiquera clairement si on se trouve dans le cas n°1 ou n°2… Ensuite, avancer jusqu’à se mettre d’accord sur la première fois, ce qu’on fera, ce qu’on ne fera pas, les règles et les limites. Et débriefer, se parler, toujours se parler et s’écouter.

A noter, ce que je dis là est valable aussi dans l’autre sens, pour les femmes qui désirent amener leur homme au libertinage, et il y en a, crois moi !

Intéressant. Autres questions : c’est quoi pour toi, être libertin ? Tu parlais de potentiel, penses-tu que l’on peut avoir une pré-disposition au libertinage ?

Pour moi, un libertin c’est une personne à l’esprit et aux pratiques non conventionnels. Et je pense qu’il y a une part d’acquis oui, mais aussi d’inné sans doute. On y vient car on en a envie au plus profond de soi, ce qui détermine si on va saisir les occasions ou pas. Il faut de la curiosité, de l’envie, de la motivation et de la persévérance pour se mettre au libertinage.

Cela peut être l’envie profonde de partager quelque chose de fort, avec sa moitié, mais aussi des tiers, inconnus au moins au départ. Et aussi rechercher des ambiances, une esthétique particulières, un état d’esprit caractérisé par le second degré, le jeu avec à la fois légèreté et gravité, la recherche de l’épanouissement mutuel, sans jalousie et dans le respect. 

Par contre, se mettre au libertinage pour sauver un couple qui a du plomb dans l’aile ou pour guérir des traumatismes, c’est une fausse bonne idée. Cela ne fait qu’aggraver les choses.

Comment entre t-on dans le libertinage, dans la confrérie, comme tu l’appelles ? C’est une question que l’on me pose souvent. J’évoque la notion de réseau, qui se construit au fur et à mesure des rencontres, des affinités, pour ma part.

Tu as tout à fait raison ! Il faut d’abord savoir ce qu’on recherche et si on y va à deux, bien se mettre d’accord et y aller à son rythme, sans vouloir brûler les étapes ! Ensuite, commencer par les clubs, ce qui est plus simple puisqu’ils communiquent de façon ouverte et accessible sur les conditions, les formats de soirée, etc.

Dans les clubs, tôt ou tard on finit par faire connaissance avec des libertins plus aguerris et déjà introduits, qui permettent d’intégrer le réseau des soirées privées. Ensuite, c’est le cercle vertueux et le réseau s’étoffe de plus en plus vite. En fait, LES réseaux, car il y en a autant qu’il y a de profils libertins. Et comme tu le dis, cela se construit au fur et à mesure.

Je n’ai pas d’avis sur les réseaux sociaux libertins, faisant partie de la minorité des libertins qui ne s’y sont jamais inscrits et ne s’en servent pas. 

Y a t-il un âge qu’il vaut mieux attendre pour débuter ? Un autre auquel il faut savoir s’arrêter ?

Il n’y a pas d’âge pour débuter, il faut débuter quand on a envie et quand on est prêt. Sans doute aussi avoir une certaine maturité en général et sexuelle en particulier, laquelle peut venir à des âges très différents selon les individus, mais surtout ne jamais précipiter les choses.

Il suffit de voir l’âge moyen en club ou en soirée : le gros des troupes se situe entre 40 et 55 ans, mais il y a aussi plus jeune, nous en savons quelque chose toi comme moi ! Et il y a aussi plus vieux.

Pour ce qui est d’arrêter, tant que l’envie (réciproque) est là, pourquoi faudrait-il s’arrêter ?

Après un double gang bang dantesque avec une amie, mon épouse a déclaré au gérant d’un club du Cap, qui voulait leur offrir des cartes VIP à vie, qu’elle avait l’intention de continuer jusqu’à 70 ans au moins ! Et comme le dit un ami très cher, compagnon de la double pénétration (et pour qui j’ai une pensée particulière, car il souffre en ce moment) : “quand le physique ne suivra plus, il restera le cérébral !”

On assiste à une “démocratisation” du libertinage, avec une certaine levée des tabous. Qu’en penses-tu ?

Ce n’est que mon avis, et je conçois et respecte tout à fait qu’on puisse ne pas être d’accord, mais cette démocratisation n’est pas bonne.

Elle draine en effet toute une population qui n’a rien à faire là, de bobos branchouilles en mal de sensations à peu de frais et de cases à cocher, dont l’ultra-conformisme est à mon sens incompatible avec le libertinage.

Ensuite, la démocratisation rend la démarche plus facile, trop facile, au lieu de ne retenir que les plus motivés. C’est un peu comme le trek en montagne. J’ai connu cela à une époque où les refuges étaient juste 4 murs, avec un réchaud au mieux, point. Tu devais donc emporter un paquetage conséquent de façon à être en autonomie complète. Depuis une quinzaine d’années, y compris sur le mythique GR20, les refuges sont devenus des hôtels restaurants, pratiquement des resorts et les tronçons les plus difficiles ont été fermés. Ce qui fait que tout le monde peut venir les mains dans les poches, ce qui dévalorise un peu la chose et casse l’ambiance.

Le libertinage, c’est pareil : c’est désormais à la portée de tout le monde (et n’importe qui). L’ambiance s’en ressent, dans les clubs (surtout en soirées couples) et dans certaines soirées privées, où il ne se passe plus grand chose… Heureusement, il reste des soirées vraiment déjantées où les libertins aguerris accueillent des novices jeunes ou moins jeunes dont la motivation est réelle et profonde !

Parlons du Cap, auquel tu consacres un chapitre entier. Est-ce toujours l’eldorado du cul pour toi ?

Le Covid a changé les choses, l’ambiance n’est plus la même : il y a pas mal de gens qui n’y sont pas revenus. Il faut dire que c’est très cher et que risquer de voir le séjour abrégé par une fermeture sanitaire fait d’autant plus réfléchir.

Les patrons de boîtes qui ont perdu beaucoup d’argent pendant ces années mettent une forte pression pour limiter les soirées privées, en particulier les grandes qui attiraient beaucoup de monde…

Si demain, les libertins venaient à déserter le Cap, où pourrait-on alors retrouver l’esprit du Cap ?

Même s’il existe des campings libertins, c’est autre chose. Un lieu tel que le Cap d’Agde est nécessaire, isolat hors normes, île des plaisirs…

Mon rêve, ce serait un village exclusivement libertin (sans naturistes “canal habituel”, avec potentiellement des enfants qui n’ont rien à faire au milieu de libertins), dans un beau cadre naturel (ce qui n’est pas le cas du Cap) et avec de belles constructions (au lieu du béton). Si un jour je deviens immensément riche, peut-être…

Comment en es-tu venu à l’écriture libertine et érotique ? Es-tu en train de préparer un 3ième opus ?

Pour l’anecdote, j’étais en déplacement professionnel, quand, un soir, seul à ma table, dans un restaurant de poissons, l’ennui me gagnant, j’ai commencé à écrire le récit d’un moment vécu à l’Overside [Club libertin parisien situé rive gauche].

L’exercice m’a plu et j’avais de nombreux autres moments de baise à raconter et dont je devais faire l’analyse. La structure de mon projet de livre s’est posée assez naturellement. C’est ainsi que ma plume est née. Ma plume libertine, du moins, car j’avais déjà plusieurs autres livres à mon actif, mais sur de tous autres sujets !

Je ne vais pas me lancer tout de suite dans l’écriture d’un 3ème livre. Il faut d’abord que je “digère” le 2nd ! Ensuite, je veux être sûr de ne pas me louper et de ne pas lasser lectrices et lecteurs, qui me font l’honneur de me lire. J’ai aussi à cœur de bien intégrer leurs critiques, dont je suis preneur. Je pense plutôt à une fiction inspirée de parcours individuels particulièrement marquants dont j’ai été témoin et parfois acteur, mais je réfléchis encore à mon fil rouge.

Quelles autrices parlant de libertinage peux-tu nous recommander (et je dis pas ça pour que tu parles de moi)

Si ! Je recommande chaudement le blog “Tania & ses coquineries” : elle a une vie qui vaut la peine d’être écrite et ce qu’elle écrit vaut la peine d’être lu, car elle sait de quoi elle parle et elle en parle bien. Il faudrait d’ailleurs qu’elle se décide à écrire un livre pour de bon ! 

Un autre blog que j’aime beaucoup, “nouvelles tentations“, tenu par un couple.

Pour ce qui est des livres, bien sûr que j’ai des femmes à recommander ! J’ai d’ailleurs été frappé de voir que les femmes sont assez nettement majoritaires, que ce soit parmi les auteurs ou au sein du lectorat de ce genre de littérature ! Au point de me sentir un peu seul, parfois !!

Je vais en citer quelques unes qui ont elles aussi en commun d’avoir une plume, mais aussi de l’expérience sur leur sujet (ce qui est le prérequis pour écrire de la vraie bonne littérature libertine ou érotique) :

  • Miss Kat, une très belle plume qui monte en puissance, avec les amoureux libertins, illustré par Denis Verlaine.
  • Eve de Candaulie qui écrit en femme d’action, et fort bien ! 
  • Sur le BDSM spécifiquement (versant domination féminine), Octavie Delvaux est remarquable de finesse et de justesse > Sex in the kitchen et A cœur pervers
  • Et sur l’autre versant (soumission féminine), Arcane et son “one hit wonder”, La discipline d’Arcane
  • Enfin, une curiosité, tenant davantage de la pure autobiographie, du témoignage écrit du premier jet : “Fais le bien et laisse dire“, d’Adeline qui raconte son parcours hors normes ; et en plus, c’est une femme absolument adorable !

Les Très Riches Heures d’un libertin : Caractères, mœurs & histoires échangistes

Avant d’ouvrir ce livre, il faut s’attarder sur la couverture :

  • La gravure du péché originel, en plein dans le sujet, et clin d’œil aux miniatures du Très Riches Heures du Duc de Berry,
  • Le bouquet d’arbres entremêlant leurs frondaisons, qui s’avère également être un trio,
  • La femme-feuille face à la fleur phallique et sa magnifique expression du désir féminin.

Dans le prolongement du 1er livre “Les mille et une nuits d’un libertin” qui se voulait un témoignage général sur le milieu libertin, on suit Pierre et son épouse dans des soirées et autres événements libertins extravagants et on fait ici la connaissance de quelques personnages choisis pour leur singularité et leur profondeur.

De quoi plaire aussi bien aussi bien au simple curieux qu’à la personne désireuse de tenter l’expérience ou au libertin confirmé qui s’y retrouvera !

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