[Accent italien] “Il faut que tu fasses attention… par rapport à ta famille, ton couple… Si tu tombes amoureuse de quelqu’un d’autre… Ça pourrait remettre en question des choses… Ça m’inquiète pour toi.”
L’Italien me faisait la morale. C’était notre deuxième rendez-vous. Nous étions à table dans le restaurant italien de son quartier avant d’aller coquiner chez lui. Je le regardais avec des yeux pétillants de désir et venais de lui dire que je n’imaginais pas le sexe sans attachement. Et là ce fut le drame. Il avait reculé sur sa chaise et avait pris un air hautement sérieux.
Son attitude sur la réserve (et le schéma qui devait être le sien dans sa tête) me firent sourire. J’aurais pu répliquer de suite, mais il était important que je le laisse s’exprimer. Entre lui et moi, ça ne pouvait fonctionner de façon optimale que si nous étions au diapason, mon intuition me le soufflait. Et pour cela, je devais le laisser appréhender à son rythme le monde qui est le mien et ma vision. Je l’écoutais donner son point de vue sur l’attachement et le libertinage, avec une pointe d’inquiétude et une réelle bienveillance, tout en repensant au Technicien.
S’autoriser à s’attacher
Ma relation passée avec le Technicien était l’exemple parfait de l’attachement risqué que l’Italien évoquait. J’ai vécu cet attachement qui remue, chamboule et peut potentiellement tout remettre en cause. A l’époque pourtant, je m’interdisais formellement d’avoir des sentiments (pas bien) et, pied de nez de la vie, j’en avais eu pour lui sans que je ne puisse rien contrôler (ah le cœur et ses raisons). Il avait fallu alors composer avec un beautiful bastard, accepter une “relation” en pointillés, de la distance (et pas uniquement géographique), des silences et aucun réel point final. Cela fait partie des peaux de banane que l’on peut trouver sur son chemin libertin.
Mais je ne regrette pas de l’avoir vécu. Au-delà de la formidable inspiration à écrire que cette histoire a pu générer, elle m’a fait évoluer et depuis, je m’autorise même à ressentir des sentiments. Parce que c’est humain, parce qu’une libertine n’est pas qu’un clitoris à stimuler, parce que mon formidable mari respecte ma liberté de ressentir et de jouir. Ne plus chercher à contrôler ses sentiments et accepter les émotions telles qu’elles se présentent, c’est se réconcilier avec soi-même.
Peut-être allez-vous me dire “attention, on n’est plus dans le moment sympa sans prise de tête, ça complique les choses”. Grande leçon que j’ai pu apprendre par l’expérience : la prise de tête et les complications ne sont pas liées aux émotions en tant que telles, mais aux attentes qui les accompagnent.
Positionner le curseur
Tout est question de curseur, ce n’est pas la 1ère fois que je le dis. Par attachement, j’entendais attention et considération. Autrement dit, regarder mon partenaire de jeu autrement qu’une queue à disposition. Choisir de lui porter de l’attention, m’intéresser à lui. Lui accorder du temps. Être ancrée, en toute conscience, dans l’instant présent. Donner un peu de moi, dans la tendresse et la sensualité. C’est dans ce sens-là que j’avais employé le mot “attachement”.
Peut-être que les mots complicité et alchimie auraient été plus entendables, plus politiquement corrects. Mais cela va plus loin pour moi, ça n’est pas qu’une question de bonne entente qui contribue à des coquineries agréables. Cela touche à l’état d’esprit dans lequel j’aborde les choses et la manière dont je veux vivre les choses. Et oui, avec le recul, sans cet attachement, je considère que la démarche se réduit à rechercher des occasions de jouir.
Bien évidemment, en fonction du contexte, soirée ou duo, l’attachement ne se manifeste pas de la même façon. En soirée, on prend généralement moins de temps à se connecter à l’autre et faire monter le désir. Les interactions sont plus directes et potentiellement perturbées par des facteurs extérieurs. Mais l’approche devrait être la même : choisir, considérer l’autre, être en pleine conscience et se donner. Être dans l’attachement & la qualité de l’interaction, pas dans la consommation impersonnelle (pour ce qui est des pratiques type pluralité et gang bangs, je dirais que l’enjeu est ailleurs, dans l’excitation de la sur-sollicitation et un jeu de domination/soumission).
Accepter la prise de risques
Après avoir partagé ma façon de voir l’attachement, j’affirmais aussi fortement à l’Italien mon envie de vivre. Vouloir à tout prix éviter le “trop”, c’est vivre moins intensément, voir ne pas vivre du tout. Cela peut paraître déraisonnable, mais il est à mon sens important de s’autoriser à ressentir la richesse et l’intensité de chaque interaction humaine, à partir du moment où cela n’impacte que soi. On ne vit qu’une fois. Ce sur quoi il rejoignait mon point de vue.
Avoir un mode de vie libertin qui tient compte de toutes les dimensions (charnelle, cérébrale, spirituelle et sentimentale) est un exercice exigeant, il faut le dire. Il y a une grande part de lâcher prise et de repositionnement des enjeux par rapport à une conception “traditionnelle” de la sexualité. C’est une philosophie de vie et une liberté à conquérir.